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Canadian Journal of Family Law

Authors

Suzanne Zaccour

First Page

385

Document Type

Article

Abstract

La théorie de l’« aliénation parentale » — qui affirme que des enfants rejettent un parent en raison d’un lavage de cerveau fait par l’autre parent — a souvent été utilisée pour punir des mères attentionnées et accorder la garde à des pères dangereux. L’engouement fulgurant de la communauté juridique pour ce concept a donc suscité des débats enflammés entre ses partisan·es et les chercheur·ses en violence conjugale.

Mon article contribue à cette conversation urgente en jetant un éclairage nouveau sur le rôle de la violence conjugale dans les cas d’aliénation parentale.

J’observe comment des séries de jugements impliquant la même famille abordent l’enjeu de la violence conjugale. Cette méthode révèle un phénomène inquiétant: la disparition de la violence conjugale. Lorsque des familles interagissent de manière répétée avec le système judiciaire, la question de la violence conjugale a tendance à disparaitre. Le résultat ? Une distorsion : la plupart des femmes accusées d’aliénation parentale sont victimes de violence conjugale, mais la jurisprudence aborde à peine cette question. La disparition de la violence conjugale donne l’impression qu’elle est l’exception, plutôt que la norme, dans les cas d’aliénation parentale.

Je tire cinq leçons de la jurisprudence québécoise :

1) La violence conjugale est plus répandue qu’on ne le pense dans les cas d’aliénation parentale ;

2) La violence conjugale, alléguée ou prouvée en première instance, est souvent dissimulée en appel ;

3) La violence conjugale doit être correctement identifiée dans les cas d’aliénation parentale ;

4) Considérer l’aliénation parentale tout en ignorant la violence conjugale est une forme de biais sexiste ;

5) Déclarer que le cadre de l’aliénation parentale s’applique sauf en cas de violence conjugale n’est pas suffisant pour protéger les femmes et les enfants.

Le concept d’aliénation parentale est dangereux pour les victimes de violence familiale. C’est pourquoi les partisan·es de cette théorie suggèrent souvent que le cadre de l’aliénation parentale ne devrait pas s’appliquer lorsque la violence conjugale est démontrée. Or, cette exception à l’applicabilité du concept d’aliénation parentale est insuffisante. Mon étude remet en question l’idée reçue selon laquelle la violence conjugale peut être traitée comme une simple exception au paradigme de l’aliénation parentale, et appelle les actrice·teurs juridiques à reconsidérer le rôle de l’aliénation parentale dans les litiges relatifs à la garde des enfants.

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